Lu dans le Monde :"Golgota picnic", nouvelle cible des catholiques intégristes

Publié le par Socialistes fonsorbais

 

 

A Toulouse, le 16 novembre, manifestation de catholiques intégristes à l'occasion de la première de "Picnic Golgota".

A Toulouse, le 16 novembre, manifestation de catholiques intégristes à l'occasion de la première de "Picnic Golgota".AFP/ERIC CABANIS

Toulouse Envoyée spéciale - "J'ai honte de présenter une œuvre d'art protégée par des mesures de sécurité." C'est par ces mots que s'est ouverte la première représentation de Golgota picnic, de Rodrigo Garcia, mercredi 16 novembre, au Théâtre Garonne, à Toulouse. Des services de sécurité, il y en avait en effet à l'entrée du théâtre, où les spectateurs étaient contrôlés un par un. Dehors, il y avait les forces de l'ordre, qui canalisaient les manifestants de l'Institut Civitas, venus protester contre une pièce jugée "blasphématoire". Comme elle l'avait fait à Paris, pour la pièce de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, la famille nationale-catholique entendait donner de la voix. Elle est intervenue sur le mode de la prière.

Menée par un prêtre, une centaine de personnes se sont rassemblées, à genoux, formant un tableau vivant qui ressemblait à un casting savamment organisé. Aux premiers rangs, des capucins – bures, barbes et tonsure. Sur les côtés, des couples. Au milieu, des jeunes, nombreux. Selon la police, les meneurs politiques se fondaient dans le lot. Dès 19 heures, soit une heure avant le début de la représentation, ils ont commencé à entonner des cantiques et des prières, en français et en latin. Et ils ne se sont pas arrêtés, même quand leurs "Je vous salue Marie", repris en boucle, étaient couverts par des "Ah si Marie avait connu l'avortement, on n'aurait pas tous ces emmerdements!"

 

A l'appel de plusieurs organisations citoyennes, politiques et culturelles, de nombreux Toulousains étaient venus manifester leur soutien au Théâtre de la Garonne.

 

A l'appel de plusieurs organisations citoyennes, politiques et culturelles, de nombreux Toulousains étaient venus manifester leur soutien au Théâtre de la Garonne.AFP/ERIC CABANIS

  Ce refrain venait de manifestants qui s'étaient réunis, à l'appel de nombreuses organisations citoyennes, politiques et culturelles, pour manifester leur soutien au Théâtre Garonne. Ils étaient au moins deux fois plus nombreux que les sympathisants de Civitas. Il n'y eut aucun accrochage entre les deux groupes, ni de tensions avec les forces de l'ordre, ni de pressions sur le public. Visiblement, Civitas avait fait le choix d'éviter toute provocation.

D'AUTRES STRATÉGIES

Mais l'Institut, qui rassemble des catholiques traditionalistes et intégristes proches de l'extrême droite, et vise "la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ", a prévu d'intervenir tant que dureront les représentations, soit jusqu'au 20 novembre, selon Jackie Ohayon, le directeur du Théâtre Garonne. Les manifestants de Civitas pourraient développer d'autres stratégies dans les jours à venir.

Mercredi 16, ils n'ont en tout cas pas perturbé la première, à laquelle assistaient de nombreuses personnalités toulousaines, dont Pierre Cohen, le député et maire socialiste. Pour être honnête, il est difficile de rendre compte de Golgota picnic du strict point de vue artistique.

Même s'il n'y eut aucune violence, les images de la rue étaient dans les têtes. Rodrigo Garcia a eu raison d'ajouter la phrase d'introduction à son spectacle, qui a été joué à Madrid, puis à Rotterdam et à Graz, sans susciter d'incident. On ne regarde pas une pièce l'esprit vierge quand elle est présentée dans un contexte comme celui de Toulouse. Tout au long de la représentation, on pense aux phrases martelées par Civitas sur son site Internet pour dénoncer le texte de Rodrigo Garcia (publié aux Solitaires intempestifs). On reviendra sur le spectacle quand il sera présenté au Théâtre du Rond-Point, à Paris, du 8 au 17décembre, dans le cadre du Festival d'automne.

En attendant, on ne saurait trop conseiller de lire Golgota picnic. Inspiré par la peur de Dieu que l'auteur espagnol d'origine argentine (né en 1964) a connue quand il était enfant, c'est une charge, oui, mais pas au sens où l'entend Civitas, qui voit du blasphème là où il y a de l'imprécation, à la Thomas Bernhard, et une mélancolie profonde, à la Michel Houellebecq, face à la désespérance que peut inspirer notre monde. Intégrisme compris.


Golgota picnic,texte et mise en scène de Rodrigo Garcia. Théâtre Garonne, 1, avenue du Château-d'Eau, Toulouse (Haute-Garonne). Tél.: 05-62-48-54-77. A 20 heures jusqu'au samedi 19 novembre ; à 16 heures dimanche  20 (dernière). De 9 euros à 25 euros. En espagnol surtitré.

Brigitte Salino avec Stéphane Thépot (Toulouse, correspondant)

Publié dans Le Département

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