Affaire Bettencourt : le procureur Courroye convoqué aux fins de mise en examen

Publié le par Socialistes fonsorbais

La question du maintien de Philippe Courroye à la tête du parquet de Nanterre ne va pas manquer de se poser.

La question du maintien de Philippe Courroye à la tête du parquet de Nanterre ne va pas manquer de se poser.AFP PHOTO


La juge d'instruction parisienne Sylvia Zimmermann, chargée d'enquêter sur la violation multiple des sources du Monde, passe à l'offensive. Elle vient d'adresser une convocation aux fins de mise en examen au procureur de Nanterre, Philippe Courroye. Il pourrait être reproché à ce magistrat réputé proche du chef de l'Etat une "atteinte au secret des correspondances par personne dépositaire de l'autorité publique" et une "collecte de données à caractère personnel par moyen frauduleux, déloyal ou illicite".

Du coup, la question de son maintien à la tête du parquet de Nanterre ne va pas manquer de se poser. En outre, la magistrate a fait procéder à une perquisition, mardi 27 septembre, dans les locaux de l'inspection générale des services (IGS), pour saisir les archives de l'enquête menée en 2010 par les policiers, à la demande du parquet de Nanterre. La juge Zimmermann dispose désormais d'éléments qui lui permettent de penser que Philippe Courroye a personnellement supervisé la surveillance téléphonique, au cœur de l'affaire Bettencourt, de trois journalistes du Monde, Gérard Davet, Jacques Follorou et Raphaëlle Bacqué.

Elle s'appuie notamment sur l'audition comme témoin assisté de Patrick Nieto, le 19 septembre. Ce commandant de police en poste à l'IGS a expliqué sur procès-verbal avoir été convoqué, le 9 septembre 2010, par son supérieur, Daniel Jacqueme. Ce dernier lui a expliqué qu'il venait d'être saisi d'une demande d'enquête présentée par Marie-Christine Daubigney, le bras droit de Philippe Courroye au parquet de Nanterre. Il lui a présenté une copie de la plainte déposée par Me Georges Kiejman, l'avocat de Liliane Bettencourt, à laquelle était jointe l'article du Monde qui venait de révéler une perquisition au domicile de la milliardaire.

 "POUSSER LES INVESTIGATIONS"

C'est sur la base de cette plainte pour violation du secret de l'enquête que le parquet de Nanterre avait motivé sa saisine de l'IGS. Il s'agissait ainsi pour le procureur Courroye de prouver que la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez, qui menait des investigations parallèles aux siennes dans l'affaire Bettencourt, était en relation avec des journalistes.

"M. Jacqueme m'a également remis un procès-verbal d'avis à parquet à son nom dans lequel il avait eu un contact téléphonique avec M. Courroye qui lui demandait très précisément les fadettes des deux journalistes", a indiqué le commandant Nieto. Ce policier a adressé le jour même une réquisition à Orange, visant notamment les appels reçus et émis du 23 juillet au 1er septembre 2010 par Gérard Davet. Il a assuré qu'il rendait compte tous les jours de cette affaire à ses supérieurs.

A la question de savoir s'il était en relation directe avec le parquet de Nanterre, M. Nieto a répondu : "Jamais". Il a ajouté : "En revanche, M. Jacqueme a rendu compte à sept reprises au parquet de Nanterre entre le 9 septembre et le 6 octobre 2010, soit à M. Courroye, soit à Mme Daubigney". Le policier l'affirme : "M. Jacqueme me remettait systématiquement les procès-verbaux d'avis à parquet. A chaque fois, les magistrats nous demandaient de pousser nos investigations."

LE CONTRE-ESPIONNAGE IMPLIQUÉ

Le policier a encore assuré, en évoquant l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, qui proscrit notamment l'utilisation par les services d'enquête des factures téléphoniques détaillées (fadettes) de certaines professions, dont les journalistes : "Je précise que dans ses instructions, le parquet citait le texte du 77-1-1, mais sans aller jusqu'au bout". Mme Daubigney devrait aussi être entendue, en tant que témoin assisté.

La juge Zimmermann est par ailleurs saisie d'un autre volet de l'enquête, impliquant cette fois les services du contre-espionnage français. La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), sur ordre de l'Elysée, s'était en juillet 2010 procuré les fadettes de Gérard Davet, afin de découvrir sa source dans l'affaire Woerth-Bettencourt. L'Elysée s'était ému des fuites dans ce dossier. Lundi 3 octobre, le commissaire divisionnaire Stéphane Tijardovic, qui avait adressé pour la DCRI la réquisition à Orange, sera entendu par la juge Zimmermann, en qualité de témoin assisté. Sont également convoqués d'ici la fin octobre, en tant que témoins assistés, Bernard Squarcini, patron de la DCRI, et Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, deux proches de Nicolas Sarkozy.

Publié dans Lu dans la presse

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